Lorsqu’il s’est engagé pour l’Inter Miami, à l’été 2023, Lionel Messi ne s’imaginait sans doute pas, moins d’un an plus tard, être au centre d’un incident diplomatique entre son club, la sélection argentine et la Chine. C’est pourtant le cas au terme une tournée de pré-saison qui a viré au fiasco, sportif comme diplomatique, pour le champion du monde 2022 et le club détenu par David Beckham.
Que s’est-il passé ?
Joueur de l’Inter Miami depuis le 15 juillet 2023, la Pulga a débarqué alors que la saison de MLS touchait à sa fin, le calendrier américain étant organisé par année civile. Vainqueur de la Leagues Cup avec sa nouvelle équipe, Messi avait parfaitement commencé son aventure floridienne, se projetant sur l’édition suivante de la MLS avec la volonté de faire mieux que la 14e et avant-dernière place de championnat décrochée par sa franchise en 2023.
Pour aborder ce nouvel exercice dans les meilleures conditions, Miami s’est astreint à une longue tournée de préparation. Arabie saoudite, Hong Kong, Japon… La formation américaine, garnie par les arrivées de Jordi Albi, Sergio Busquets et Luis Suarez lors du mercato estival, a voyagé tout au long des mois de janvier et février. Une aubaine économique pour le club mais également pour le marché asiatique, où l’homme aux 8 Ballons d’Or compte énormément de fans. Oui mais voilà, déjà en délicatesse avec son physique fin 2023, Lionel Messi a peu joué. 7 minutes face à Al-Nassr, 30 minutes face au Vissel Kobe et 0 face à Hong Kong, lors d’un match amical disputé le 4 février.
Pourquoi les fans chinois sont en colère ?
Si les 40.000 spectateurs du Hong Kong Stadium, plein à craquer pour l’occasion, ont vu des buts grâce au succès maîtrisé de l’Inter Miami (4-1), la majorité a quitté l’enceinte folle de rage. En effet, certains d’entre eux avaient dépensé jusqu’à 4.800 dollars hongkongais (570 euros) dans l’espoir de voir la légende argentine fouler la pelouse. Évoquant une gêne aux ischio-jambiers, Messi n’a pas quitté le banc de la rencontre. Pourtant, selon le gouvernement du territoire chinois semi-autonome, l’attaquant de 36 ans avait passé un accord avec Tatlter Asia, la société organisatrice de la rencontre, l’obligeant à disputer au moins une mi-temps.
Une promesse non-tenue qui a passablement agacé les fans chinois, ulcérés par l’attitude de la Pulga, qui ne s’est pas adressée à eux pour s’excuser de son absence. Ce couac a même forcé le promoteur du match à promettre un remboursem*nt à hauteur de 50 % aux spectateurs. « Les blessures font partie du jeu et nous le comprenons. Cependant, nous avons été attristés par le fait que les joueurs n’ont pas fait preuve de suffisamment de respect envers les supporters présents », a souligné l’entreprise ce vendredi.
Pourquoi le sujet est-il devenu politique ?
Pourquoi alors l’affaire a-t-elle dépassé le cadre de la polémique sportive pour devenir un sujet de tension géopolitique ? Tout simplement car trois jours plus tard, le mercredi 7 février, Messi est entré en jeu face au club japonais du Vissel Kobe. Apparu tout sourire lors de la dernière demi-heure du match, l’ancien joueur du Paris Saint-Germain n’a pu empêcher la défaite des siens aux tirs au but.
Mais l’essentiel était ailleurs : pour de nombreux Chinois, la participation de la star à ce match amical représente une prise de position dans le cadre de la rivalité politique, économique et idéologique qui oppose la Chine au Japon. « Une théorie est que les actions (de Messi) ont des motivations politiques, dans la mesure où Hong Kong voulait stimuler l’économie à travers cet événement et que des forces extérieures ont délibérément voulu humilier Hong Kong avec cet incident », a-t-on par exemple lu cette semaine dans l’influent journal local Global Times, au ton généralement nationaliste. « Cette hypothèse ne peut être exclue ».
Après avoir été sommé de s’expliquer par le gouvernement, l’international argentin a déploré la « malchance » de ne pas avoir pu jouer, espérant revenir à Hong Kong. Insuffisant pour de nombreux internautes. « On lui avait donné notre amour et il nous traite comme ça » ; « S’il ne respecte pas ses fans chinois, on ne peut pas lui laisser prendre un centime de notre proche » ; « Les Chinois ne se couchent pas », « Dégage Messi ! », pouvait-on lire sur Weibo, le réseau social chinois. Le champion du monde a même été caricaturé en soldat impérial japonais, donnant la tonalité de sa popularité actuelle dans le pays.
Quelles conséquences à venir ?
Pour Lionel Messi, elles se limiteront à la haine de Hong-Kong, à l’image de la déclaration de Regina Ip, principale conseillère du gouvernement, estimant qu’il ne devrait « jamais être autorisé à revenir ». « Les Hongkongais détestent Messi, l’Inter Miami et la sombre main derrière eux, pour le camouflet délibéré et calculé infligé à Hong Kong. Ses mensonges et son hypocrisie sont écœurants », a-t-elle déclaré sur X (ex-Twitter).
En revanche, l’affaire risque de retomber sur l’Inter Miami et son propriétaire David Beckham, copieusem*nt sifflé sur la pelouse lorsqu’il tentait de remercier les supporters présents au stade, qui pourrait se fermer les portes du lucratif marché chinois pour un moment. Mais c’est surtout l’AFA, la fédération argentine de football, qui devrait payer les pots cassés. En effet, la Chine a annoncé ce samedi qu’elle renonçait à accueillir les deux matchs amicaux prévus par la sélection argentine sur son sol. L’Albiceleste devait affronter le Nigeria à Hangzhou et la Côte d’Ivoire à Pékin, entre le 18 et le 26 mars prochain.
Une annulation sous forme de représailles qui devrait coûter cher aux champions du monde, ces derniers misant énormément sur la Chine pour se développer économiquement, à l’image des contrats signés avec des entreprises locales à l’issue de leur dernier déplacement au sein de l’Empire du milieu, en juin 2023.